Une enquête
Loïc Fisselier est comme Jacques Cartier : il est un explorateur ! Non pas des océans inconnus, mais des gribouillis abscons des registres de baptêmes du XVIème siècle à la recherche d’éléments nouveaux sur le passé de Jacques Cartier. Loïc nous autorise à retranscrire sur notre site son analyse parue dans le magazine de l’ADFJCC (Association des descendants de Jacques Cartier et de ses Compagnons) n°32, année 2024. Je vous raccourcis volontairement toute l’analyse très complète, que vous pouvez retrouver dans le magazine.
Tout part d’un acte de baptême : celui d’un Jacques Chevalier, qui appartient à une famille proche de Jacques Cartier. Sa marraine (on disait commère) est une certaine Guyonne Derien (quel joli prénom) et son parrain (compère) un certain Jacques la Jéline. Et voilà la piste incroyable qu’a poursuivie Loïc : et si Jacques la Jéline n’était autre que Jacques Cartier ?

La Jéline, un navire ?
Après de nombreuses pérégrinations avec le même navire beaucoup de capitaine se voyaient affublés du propre nom de leur navire. Puisque ce patronyme “Jéline” n’est pas du tout répandu dans la région (avec toutes les évolutions d’orthographe possibles), Loïc prend cette hypothèse assez naturellement. Le Jacques la Jéline devait être un capitaine de navire. Or, il existe déjà un capitaine de navire prénommé Jacques qui est très proche de la famille Chevalier !
Poursuivons la piste : Jacques Cartier n’aurait-il pas baptisé son navire la Jéline en l’honneur de sa mère Jeffeline Jansart (ou Geffeline) et de sa grand-mère Jepheline de Porcon ? C’était d’ailleurs très souvent le cas de baptiser un navire du nom d’un proche.
Les premières présomptions de Loïc après ses recherches sur le navire
- La Jéline, navire de soixante tonneaux, aurait été construit et baptisé par Jacques Cartier en 1517 pour être armé au cabotage européen
- Au 4 Octobre 1518, on trouve la trace de ce navire dans l’archipel des Berlingues, près de Lisbonne
- Entre le 5 Avril 1526 et le 22 décembre 1527, Jacques Cartier aurait entrepris avec la Jélinne un voyage au Brésil, d’où il ramène deux indiennes Tupinambas, christinaiées en 1528, baptisées en Juillet 1528 sous les prénoms de Catherine et Perrine. L’impact de l’arrivée à Saint-Malo de ces deux brésiliennes fut considérable, et dès son retour à Saint-Malo on attribue à Jacques Cartier le sobriquet de Jacques la Jéline.
Faisceau d’indices pour le premier voyage
Admettons maintenant que Jacques Cartier et Jacques la Jéline ne font qu’un. Est-ce à dire que jacques Cartier aurait pris son navire la Jéline pour le premier voyage ? Et pourquoi pas ? Passons en revue les indices :
- On ne connait pas les noms des deux navires de Jacques Cartier de 1534. Est-ce que cela renforce l’idée qu’il s’agissait là de navires déjà connus, tels que le propre navire de Jacques Cartier que tout le monde connaissait aussi sous le sobriquet de Jacques la Jéline ?
- Dix ans plus tôt, Verrazano en 1524 est parti sous les feux verts de François Ier mais en apportant lui même ses navires. Pourquoi François Ier aurait changé de formule pour Jacques Cartier ?
- La période pour préparer l’expédition de 1534 est très courte. Entre fin 1533 et avril 1534, la préparation du voyage a été plutôt rapide, comme si… Jacques Cartier avait déjà ses propres navires !
- On lit parfois qu’il y avait “un blocage” des malouins pour constituer l’équipage. Mais on ne parle pas de la difficulté d’avoir des bateaux ! On ne mentionne la difficulté d’obtenir des navires que pour le deuxième voyage.

5.Pour le premier voyage de Jacques Cartier en 1534, le malouin reçoit 3000 livres du roi, ce qui est deux fois moins que pour le deuxième voyage de 1535 (600 livres reçus). Les 3000 livres peuvent couvrir les salaires des marins, l’avitaillement des deux navires, l’affrètement du second navire et sa perte en exploitation (car une saison de morue perdue). On peut donc estimer que Jacques Cartier a fait la première expédition avec son propre navire, sur ses propres deniers !
6. Un lieu géographique de Terre-Neuve s’appelle l’anse de la Génille (que l’on retrouve dans le documetn de Jouan de Longrais Jacques Cartier : documents nouveaux / recueillis par F. Joüon Des Longrais,… | Gallica), probablement nommé ainsi par Jacques Cartier lors de son premier voyage ! Génille est une transformation possible et naturelle de Géline !
Loïc Fisselier n’y va donc pas par quatre chemins et pousse cette hypothèse :
“La Jéline participe à la grosse aventure au premier voyage d’exploration de 1534”
Fin de vie de la Jéline
Terminons l’histoire avec les dernières hypothèses documentées de Loïc :
“Jacques Cartier vend La Jéline avant le 26 octobre 1551 à Jean Pinzon, marchand à Saint-
Malo, et Olivier Pinzon. On leur attribue à Saint-Malo le sobriquet de la Génille”
Pour aller plus loin
Cette magnifique enquête est à retrouver dans le magazine de l’ADFJCC N°32.