Le tonneau est l’unité de capacité utilisée pour décrire le volume des navires. Il faut imaginer tout simplement qu’un avitaillement de navire avant un départ demandait beaucoup de préparation et une liste préétablie de tonneaux de nourriture, de vin, d’huile, etc. à approvisionner et à livrer sur le quai pour les embarquer sur le navire. D’où l’importance de bien juger le nombre de tonneaux à faire rentrer dans le bateau, sans quoi des dizaines de tonneaux inutiles seraient payés pour rester à quai. Dans notre cas, la capacité du navire (60 tonneaux) est bien la seule information fiable sur ce navire (lire les Relations de Jacques Cartier – Premier voyage). Cependant, le volume même du tonneau est difficile à évaluer !
En France, le volume exprimé en tonneau dit bordelais a été fixé par une ordonnance de 1681 à 42 pieds cubes Roy. Avec le pied dit « Roy » valant 0,3248 mètre (soit un beau pied royal de pointure 50), nous arrivons à la valeur du pied cube à 0,0342647 m3. Et donc pour un tonneau en unité métrique une valeur de 1,4391 m3 arrondie à 1,44 m3. En développant cette hypothèse certes anachronique, notre navire de 60 tonneaux de 1534 jauge alors 86 m3 !
Au tout début du XVIe siècle, Fernando Oliveira, homme d’église à l’origine, a expliqué par quel moyen évaluer le port d’un bateau. Pour cela, à partir d’un type de tonneau donné, il suffisait :
– D’aligner les tonneaux, autant qu’on en peut sur la longueur de la quille,
– D’aligner autant de tonneaux que possible en largeur, sur le pont principal, au niveau du maître couple,
– D’aligner autant de tonneaux que possible entre le fond et le pont (creux). Il suffit ensuite de multiplier ces trois chiffres entre eux pour obtenir la jauge. Oliveira reconnaît ensuite que le chiffre obtenu est toujours bien supérieur à la jauge réelle du navire, et qu’il faut diviser à peu près par deux la longueur pour obtenir un chiffre proche de la réalité. En fin de compte, il reconnaît qu’aucun calcul simple ne permet de connaître le port réel d’un bateau, mais que les bons maîtres de marine savent par expérience, quelle est la capacité de charge de chaque bâtiment. Nous remercions Fernando Oliveira pour la précision de ses calculs et cette analyse.
Vous l’aurez compris, le tonnage d’un navire ancien est un vrai casse-tête qu’il nous faut pourtant élucider car c’est une hypothèse structurante de notre design.
Cependant les incertitudes demeurent : s’agit-il d’un volume sous pont uniquement ? Le tonneau de 1681 est-il celui de de 1534 ? Le tonneau breton est-il le même que le tonneau bordelais ?